C'est fait, le douanier vient de pauser le tampon de sortie sur nos passeports tendus par Jade qui s'avère être une habituée de la tâche.
L'Argentine est dérrière nous et c'est sur une piste effroyable que nous traversons le no man's land pour entrer au Chilie.
Nous découvrons la caractère australe sous la pluie. Aucun jour ne nous sera épargné, il est donc difficile d'en faire un bilan sur une échelle de beauté.
Une journée fut spécialement hostile. Nous devons faire face á une tempête de grêle accompagnée des pleurs de Jade car la route n'étant pas goudronnée, elle est secouée comme un pommier, et même avec du courage, il n'y a rien á faire c'est vraiment insupportable pour ses jeunes os.
Non, non, nous ne sommes pas des tortionnaires d'enfants mais il est vrai que nous avions totalement sous-estimé le comportement de la carriole sur des pistes, il est quasi impossible de gerer trois trajectoires de roues á travers le dédale de trous et nous n'avons pas d'amortisseurs.
Nous cherchons un refuge qui s'avère inexistant, les fermes n'étant habitées que par des chiens enragés ne nous souhaitant pas la bienvenue.
Finalement, nous arrêtons une voiture, et décidons de nous séparer pour sortir de cette mauvaise passe.
Jade, Sara et les saccoches avants partent en pick-up, jusqu'á la fin de la piste. Le conducteur tente un brin de conversation, mais abandonne bien vite, Jade joue avec une mouche et Sara essaie tant bien que mal de survivre au poids des saccoches, de la fille et des questions dont elle ne comprend pas le sens....
Pendant ce temps Dom, démonte les pédales arrières, mange un en-cas et se met en route pour les 8 derniers kil.
Bilan:
- Une heure d'attente pour Jade et Sara á jeter des pierres dans des flaques d'eau.
- Une monstre dalle pour le perdant du partage du sac de pic-nic.
- Dom s'est fait pêter le caisson.
- Jade a pris une décision pour nous: plus de piste sauf si nous changeons de carriole pour une qui a des suspensions efficaces et une seule roue.
Finalement, après une courte pause,on reprend nos bonnes vieilles habitudes.Chacun á son poste, on s'attaque à deux cols successifs. Au passage du second, le vent souffle á coup de fortes rafales, nous couche litéralement par terre et nous devons le finir en poussant le tandem.
Il est maintenant 6 heures du soir, et toujours pas d'endroit pour pauser notre VE25.
Contre toute attente, un camping dont nous sommes les seuls habitants nous accueille á l'abri du vent.
Le lendemain nous repartons affamés, le vent est toujours d'actualité, cette fois nous sommes accueillis par les carabiniers qui sont dignes de confiance et de service. Nous buvons un super café instantanné ( la spécialité du Chilie)et discutons des candidats aux élections présidentielles. Pour la première fois une femme est favorite en Amérique latine. Nous repartons avec un pot de peanuts butter, pate á tartinée super calorique.
Notre tandem nous joue un caprice, notre frein arrière refuse de faire son boulot. Il ne nous reste donc plus que nos deux freins vibrek commandés depuis le guidon arrière.
A chaque problème, une solution, et dans ce cas précis, notre différence de taille s'avère être un atout (ce qui ne veut pas dire que Sara est petite) puisque Dom peut facilement voir la route depuis son poste.
Il en a fait une force lors d'une descente dans un tunnel ou il refuse de freiner pour diminuer le temps de passage, Sara n'y voyant rien crie: "on va tous mourir"!!
Pendant ce temps Jade profite de l'echo pour chanter á tue tête dans sa carriole, frère Jacques, frère Jacques...
C'est une injustice totale vécue par Sara puisque étant une pilote sans frein c'est un peu comme un cuisinier sans four ou une fondue sans fromage, ou un hiver sans neige...
C'est toujours sous une pluie battante que nous rejoignons le port de Chacaboucco ou nous embarquons pour l'isla de Chiloé, laissant de côté les 300 km de piste qui terminent cette caractère australe sans aucun regrets.
La traversée est de deux nuits et un jour, et il n'y a pas de cabine. C'est impressionnant de vivre ces 36h, partout des personnes qui installent tant bien que mal des matelas par terre, il se crée de petites communauté, les enfants jouent ensemble, les femmes tricotent, les tasses sont alignées sur le comptoir attendant l'eau chaude.Il y régne une athmosphère amicale et l'inconfort du voyage se fait davantage sentir lors de la deuxième nuit, la fatigue peut se lire sur les visages et beaucoup de personnes se sont installées sur le pont du bateau cherchant un brin d'air frai et un peu plus d'espace. Les plus malins y ont montés leur tente et partagent des boissons alcoolisées transportées dans des bouteilles de coca pour les cacher tant bien que mal. Au petit matin, ils ont bien du mal à émerger et restent immobiles sous un tas de couvertures.
Nous faisons halte sur diverses petites îles, le décor est trés vert constitué de nombreux fjords, la mer est calme, le ciel gris.
Nous débarquons à Quellon la ville la plus au sud de l'île avec 3h de retard, le voyage a été long et pénible, nous avons besoin d'une bonne douche et d'un bon repas.
Quellon, c'est le km 0 ou le km 22 000 de la route 5, la fameuse panaméricaine, qui va jusqu'en Alaska.
Chiloé est trés vallonnée au sud, avec de nombreuses habitations colorées sur pillotis. C'est un vrai plaisir de découvrir ces endroits en pédalant, nous croisons beaucoup d'oiseaux, de troupeaux, de cavaliers qui nous dépassent dans les montées pour le plus grand plaisir de jade.
Les odeurs de poissons se font sentir et le saumon est le roi. Il est destiné à 50% à l'exportation surtout en Espagne. Nous profitons de déguster 2 kilos de moules pour 3 euros.
L'artisanat local frustre Sara, les ponchos trés á la mode cette année le sont perpétuellement dans le coin, le problème c'est que le poids et la compression ne sont pas réglementaires aux yeux de Dom.
Les fameuses églises en bois sont un régale, et nous rendons souvent visite au petit Jésus que Jade se presse de chercher. Quand nous partons elle n'oublie pas de dire" aurevoir Jésus".
Les albatros tournoyent et se battent pour attraper les restes de poissons que les pêcheurs veulent bien leur laisser. Les vagues du pacifique viennent mourir sur la plage, Jade pieds nus court et tente d'attrapper les oiseaux qui s'envolent dans un grand nuage blanc.
Il y régne une athmosphère de labeur, les gestes répétitifs des pêcheurs sont les mêmes en hiver par moins 20 degrés.
Nous embarquons sur une petite chaloupe, allons á la rencontre des pingouins qui prennent des bains de soleil sur des rochers pendant que d'autres chassent des sardines pour nourrir leurs petits qui appellent d'un cris leurs nourriciers.
C'est de toute beauté, ils ne nous reste que les mots pour vous décrire ces images, tant bien que mal nous avons essayer de vous les faire vivre avec des photos mais sans succés.
Les étapes se font facilement, nous roulons bien et commençons à sentir les bienfaits des premiers 1500km, les jambes tournent comme des moulins et notre arrière train ne se plaint plus... la persévérance paye...
Aujourd'hui nous quittons Chiloé et nous voyons flotter au loin les premiers volcans recouverts d'un manteau blanc.
Hier était un jour historique pour le Chilie, Michelle Bachelet est élue présidente. C'est la première femme qui est á la tête d'un gouvernement en Amérique du sud.
Nous sommes assis sur deux tabourets en plastique dans un hotel pas trés catholique de Puertto Montt (on laisse planer le mystère), et on pense bien fort á vous...
Jade, Sara, Dom